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2012

266 pages

19′

Magnificat

Voilà plus d’un an que la Grande Guerre a éclaté. Dans ce pays breton aux alentours de Vannes, comme partout ailleurs en France, nombre de foyers ont vu partir un mari, un père, un fils. A la ferme des Maguern, solide famille de paysans âpres à la tâche, c’est Pol, l’aîné, qui est au front. Le père peut encore compter sur trois fils pour l’aider à cultiver leurs terres et celles des femmes seules du voisinage : le courage et la bonté ne sont pas de vains mots dans cette famille profondément chrétienne. Et pour épauler la mère à la maison, il y a Anna sa nièce, servante dévouée et aimée. Anna Maguern est belle. Belle de la fraîcheur de sa jeunesse, de ses yeux clairs, de sa blondeur, mais belle surtout de l’amour ardent qu’elle nourrit en son coeur pour son cousin Gildas et que, par mille détails, elle sait partagé. Puisqu’au lendemain de ce Noël 1915, Gildas partira lui aussi pour la guerre, Anna voudrait échanger avec lui des promesses de mariage avant son départ.
Alors que Gildas l’aime aussi, il doit confier à sa cousine qu’un autre appel ancien résonne en lui, longtemps enfoui, parfois repoussé, mais clair à l’heure des grandes décisions : l’appel à être prêtre. Anna, amoureuse foudroyée, sait qu’elle tient entre ses mains tous les pouvoirs : ira-t-elle contre son amour et contre elle-même ? Ira-t-elle contre Dieu ?

Le dernier roman écrit par René Bazin (entré à l’Académie Française en 1903) est le récit magnifique d’un drame humain. Le livre évoque le combat intérieur de plusieurs membres d’une famille paysanne modeste et laborieuse dont l’équilibre tranquille chancelle à l’aveu de la vocation religieuse du second fils.
Le drame se joue à bien des niveaux :
celui de Gildas, qui doit laisser s’épanouir l’appel alors que son amour pour Anna, son devoir filial, son âge et sa situation financière sont autant d’obstacles douloureux.
Celui d’Anna, qui acceptera ou non son effacement et le sacrifice de sa vie de femme et de mère.
Celui du père Maguern qui bien que d’une foi profonde, est révolté par ce qu’il considère comme une trahison et un abandon au seuil de la vieillesse : plus de travail, moins de soutien.
Celui de la mère, confidente de la première heure de l’appel, déchirée par la rupture entre père et fils et la colère de son époux contre l’Eglise.
L’étude psychologique des personnages (pour beaucoup de belle valeur humaine) d’une très grande finesse, leur mûrissement spirituel exemplaire donnent une force admirable à ce roman poignant et fécond. Quant à l’écriture, très belle, elle respire le terroir et le siècle passé, rendant sa lecture sans doute un peu ardue pour le lecteur moyen. Pour les autres, ils seront comblés.