Après Alpinistes de Staline, Cédric Gras tente de retracer l’histoire des hommes qui furent choisis pour conquérir les sommets chinois dans les années 60. Ces novices « plus politiques que sportifs que Pékin avait envoyé se former en URSS » devaient d’abord répondre à un critère social, être ouvriers, paysans, d’origine modeste et entièrement voués au Parti. Il leur était offert l’immensité des cimes, le ciel ouvert sur l’infini, certes, mais cela suffit-il pour gravir les 8000 ?
L’enquête est compliquée par la difficulté à identifier ces hommes car « le « nous » se substitue souvent au « je », le collectif au premier de cordée, la Parti au simple pékin » et parce que la Chine reste une dictature communiste qui, « comme ses consœurs, nie, cache, ment. »
De la première ascension en 1955 à l’ouverture aux alpinistes occidentaux dans les années 80, que de tentatives, de luttes d’influence aux enjeux géopolitiques, que de vies brisées ! Les pages qui concernent le Tibet sont désolantes, notamment la manière dont les « rebelles » tibétains perdirent leur territoire et virent les sommets chargés de leurs croyances, violés par les crampons du communisme, les monastères pillés, les moines chassés.
« Chacun, de l’ouvrier au prisonnier, loue la pensée de Mao appliquée à l’himalayisme ». Le culte de la personnalité dans ces années de Grand Bond en avant, trouvent ici une illustration éloquente. Folie des hommes…
« En bien des points, le maoïsme fut une funeste répétition du stalinisme. » Nous conseillons vivement de lire Alpinistes de Staline en premier pour saisir l’enchaînement historique des évènements. Par ces exploits mus par une volonté idéologique, l’auteur permet de mieux comprendre les liens entre la Russie et la Chine dans cette deuxième partie du 20e siècle.
A noter : ce récit historique ne comporte pas de photos.
